Le rat de Bibliothèque, Spitweg (1850)

Il n’y a pas si longtemps, on trouvait encore régulièrement, dans les vitrines des antiquaires-brocanteurs des environs de la galerie Bortier, un des hauts lieux de la bouquinerie pointue à Bruxelles, des reproductions valables, bien qu’un peu assombries par rapport à l’original, de ce tableau un peu désuet de Carl Spitzweg, peintre et poète romantique allemand. Ce rat de bibliothèque (Der Bücherwurm) était comme une synthèse de la rencontre entre l’offre et la demande du quartier, entre les raretés dédicacées et/ou grands papiers et leurs collectionneurs venus chiner mine de rien (histoire de ne pas trop se faire plumer) ou ostensiblement (histoire d’être dans les petits papiers des libraires et d’être informés prioritairement des nouveaux arrivages).

Lorsque j’avais décidé de recouvrir intégralement les murs d’une pièce de mon appartement qui fut successivement ma chambre et mon bureau puis mon bureau et mon salon, par une copieuse collection de CD, il ne restait qu’un pan de mur vide, au-dessus de la cheminée où j’ai longtemps eu envie d’accrocher une reproduction de ce tableau comme une surcharge supplémentaire et une petite manifestation d’autodérision. J’ai depuis ramené ma collection à des dimensions régies par les principes exposés par Perec dans ses « Notes brèves sur l’art et la manière de ranger ses livres ».

Der Bücherwurm illustre également la couverture de la première édition de Peau de vélin, le premier roman de Patrick Virelles que je suis en train de relire avec le même plaisir qu’il y a vingt ans. C’est l’histoire d’un bibliomane aux prises avec un neveu joueur fort tenté de piller la collection de son oncle pour éponger ses dettes. Avec ce premier roman, Virelles s’est inscrit dans la lignée des grands stylistes façon Vialatte que Desproges rêvait d’égaler.